Gaëlle Bourout

Ingénieure brevets et avocate en droit de la propriété intellectuelle au sein du cabinet Linklaters

Linklaters, Paris 8

Gaëlle Bourout

Ingénieure devenue avocate en propriété intellectuelle, en étant passée par les brevets. Gaëlle Bourout incarne un parcours hors du commun.
Promotion 115 de l’ESPCI Paris-PSL

Originaire d’un milieu modeste, ses parents n’ayant pas eu le baccalauréat, c’est à l’école que Gaëlle Bourout se découvre un certain goût pour les sciences. Dès le collège elle pense à la recherche biomédicale et se renseigne sur les classes préparatoires scientifiques avant même d’entrer au lycée. Lorsqu’elle intègre l’ESPCI, elle se spécialise en chimie et en biologie moléculaire dans l’idée de partir dans la recherche fondamentale. Puis progressivement la passion des manipulations et du laboratoire, concevoir des expériences, tester des hypothèses dans le but de mieux comprendre le vivant. laisse la place à d’autres envies, celles de participer à la valorisation des travaux de recherche. Et c’est finalement l’idée de travailler autour des brevets qui l’emporte.

Après l’ESPCI, Gaëlle Bourout intègre alors l’Office européen des brevets en tant qu’examinatrice puis devient “Conseil en Propriété Industrielle” au sein d’un cabinet spécialisé pour accompagner des sociétés dans la rédaction et le dépôt de brevets. Elle poursuit ensuite ses études en droit, au sein de l’Université Panthéon-Assas, dans le domaine de la propriété intellectuelle. Aujourd’hui son travail se situe plus en aval, bien après le dépôt du brevet, en tant qu’avocate dans le droit des contentieux. “Par exemple, si notre client se fait attaquer pour avoir prétendument copié une invention ou s’il veut attaquer un concurrent en contrefaçon de l’un de ses brevets.” Elle agit donc pour des sociétés et doit, au tribunal, fournir des éléments de preuve technique et déterminer quelles analyses réaliser pour démontrer que telle technologie a été copiée, ou au contraire qu’elle était déjà connue et donc que le brevet n’est pas valable. “C’est un travail très stimulant intellectuellement car c’est un mélange de raisonnements scientifiques et de raisonnements juridiques.” Et si Gaëlle Bourout travaille de préférence sur des contentieux relevant de la biologie et de la chimie, il lui arrive de travailler sur des dossiers dans les domaines de la physique et de la mécanique. “C’est là où la formation pluridisciplinaire de l’ESPCI est extrêmement précieuse car aujourd’hui je peux parler à plusieurs scientifiques, de disciplines différentes, comprendre ce qu’ils m’exposent et ainsi être en mesure de bien défendre leur brevet ou attaquer celui de leur concurrent.”

Après une vingtaine d’années dans le droit des brevets et de la propriété industrielle, Gaëlle Bourout a une bonne position d’observatrice et voit la réglementation changer. L’Europe est notamment en train de se doter d’outils pour une nouvelle juridiction : la Unified Patent Court – Juridiction unifiée du brevet – qui devrait entrer en application en juin 2023. “C’était en chantier depuis des décennies car il n’y a pas, à ce jour, de brevet à l’échelle de l’Union Européenne, cela existe uniquement pour les marques déposées. La création de ce tribunal est un énorme bouleversement, cela va changer la donne pour les avocats et pour ceux qui ont des brevets, sur la manière de les déposer, de les défendre, de les attaquer.” Elle note également qu’en France la culture des brevets n’est pas très forte, les chercheurs en déposent moins qu’ailleurs, même si l’ESPCI reste un précurseur dans ce domaine en France. Selon elle, la recherche publique est considérée en premier lieu comme un acte désintéressé, qui vise à faire avancer les connaissances scientifiques et le savoir, alors que “déposer un brevet peut être vu comme un acte purement économique”. Ainsi, les chercheurs académiques français ont plutôt tendance à révéler leurs résultats dans des publications scientifiques, or une fois que “les résultats ont été publiés, il est en pratique trop tard pour déposer une demande de brevet.”

De par son métier, Gaëlle Bourout reste donc très proche de l’innovation, même si elle ne participe pas à sa genèse. Ingénieure de formation et avocate de métier, elle incarne aujourd’hui tout le champ des possibles que l’on peut explorer avec un diplôme d’ingénieure, puisque comme elle le dit elle-même “ce n’est pas nécessairement un métier, c’est avant tout une formation.”