Ghid Karam

Doctorante au Laboratoire Interdisciplinaire des Energies de Demain à l’Université Paris Cité

Place Jeanne d’Arc, Paris 13

Ghid Karam

Doctorante, Ghid Karam incarne cette nouvelle génération qui veut prendre à bras le corps les défis écologiques d’aujourd’hui et de demain.
Promotion 133 de l’ESPCI Paris-PSL

Née au Liban, Ghid Karam grandit dans un environnement intellectuel et scientifique et sait assez tôt qu’elle veut devenir soit scientifique soit archéologue. Lorsqu’elle obtient une bourse d’excellence pour venir étudier en France, elle en profite pour faire une classe préparatoire scientifique dans l’espoir d’intégrer une école d’ingénieur généraliste qui lui permettrait de ne se fermer aucune porte. L’ESPCI la convainc autant pour la pluridisciplinarité scientifique de l’école, que pour toutes les coopérations que l’ESPCI tisse avec d’autres établissements, soit autant de passerelles qui lui permettraient de s’ouvrir à d’autres disciplines, qu’elles soient des sciences naturelles ou humaines et sociales.

Très inspirée par les figures scientifiques féminines et les figures féminines fortes en général, Ghid Karam est très marquée par le parcours de Marie Curie, qui a travaillé à l’ESPCI. “On ne parle pas assez de son génie, alors que c’est l’une des rares personnes, femmes et hommes confondus, à avoir obtenu deux Prix Nobel dans deux disciplines différentes. C’est très impressionnant. Elle est l’incarnation d’une personne touche à tout.” Et d’autres figures encore comme Hedy Lamarr, actrice et scientifique en télécommunications, qui a posé les bases de l’invention de la wifi moderne.

En entrant dans cette école, celle qui a grandi dans un pays où la vie était rythmée par les coupures d’électricité quotidiennes, a dans l’idée de faire d’améliorer les technologies photovoltaïques pour sortir le Liban de la crise énergétique et de la dépendance aux énergies fossiles. Même si désormais ses objectifs ne sont plus les mêmes, elle garde une constante : un fort intérêt pour les questions liées au développement, aux inégalités et à l’écologie. Au sein de l’ESPCI elle commence à s’intéresser de manière plus globale aux questions d’articulation entre la technique, les sciences et les choix politiques et fait sa 4e année d’étude, en application à Mines Paris en “Affaires publiques et innovation”.

Aujourd’hui elle a rejoint le Laboratoire Interdisciplinaire des Energies de Demain, de l’Université Paris-Cité – créé il y a une douzaine d’années dans le but de décloisonner les savoirs – où elle termine sa thèse et y côtoie physiciens, historiens, chimistes, sociologues, biologistes, économistes. “L’idée c’est de penser et réfléchir aux défis de transition énergétique et de résilience de la société. Voir un phénomène selon le prisme de chaque science permet de le décomplexifier ou au contraire d’en montrer la complexité. Par exemple, beaucoup de questions ne peuvent pas être uniquement résolues par la technologie et les voir de manière interdisciplinaire et pluridisciplinaire permet de mieux penser les problèmes et de mieux penser les solutions.”

Au sein de ce laboratoire, Ghid Karam travaille donc sur les grands enjeux environnementaux du moment, un défi qui lui plait. “J’ai toujours voulu travailler dans l’environnement car ses enjeux ne relèvent justement pas d’une seule discipline, mais je voulais avant tout pouvoir y répondre avec des outils scientifiques, une démarche cartésienne.” Ses travaux portent actuellement sur la création d’îlots de fraicheurs urbains. Paris est la ville d’Europe qui a le moins d’espaces verts à cause de la pression immobilière, et selon Météo France et le rapport du GIEC, d’ici 2100 la capitale devrait connaître 10 à 25 jours caniculaires par an. Il est alors urgent de trouver des stratégies de rafraîchissements et d’adaptation. Ghid Karam travaille en particulier sur la rénovation de cours d’écoles, qui pourraient devenir des refuges pour les riverains lors des grandes vagues de chaleur, dans le cadre du projet OASIS de la Ville de Paris. De la physique appliquée à l’urbanisme, puisqu’elle doit établir des méthodologies de mesure et d’évaluation des stratégies de rafraîchissement. Par exemple : étudier comment différents matériaux évoluent face à des variations thermiques, déterminer ceux qui pourraient aggraver le stress thermique, et par extension la vulnérabilité des populations lors des fortes chaleurs, mais aussi cartographier quels endroits auraient besoin d’être rafraichis en priorité. “Lors de la canicule de référence, en 2003, il y a eu une augmentation de 190 % de la mortalité à Paris, lors du mois d’août. Et cela a révélé des vulnérabilités, pas seulement en matière de facteurs d’âge mais aussi de revenus, des facteurs socio-économiques.”

Ghid Karam veut avant tout travailler pour réduire les inégalités de population notamment en matière d’accès au développement et répondre à l’urgence climatique et elle se voit beaucoup mieux le faire aux côtés de collectivités, que dans un laboratoire par exemple. Très fortement marquée par le livre Comment l’université broie les jeunes chercheurs de la doctorante en neurobiologie Adèle
B. Combes, Ghid Karam regrette l’état de la recherche académique en France, qui souffre de difficultés et d’un grand manque de moyens. Tout comme elle se désole de voir que de plus en plus chercheurs qui se mobilisent contre l’inaction face au réchauffement climatique, comme Scientifiques en rébellion, se fassent emprisonner [en Allemagne]. “Nous avons créé beaucoup de connaissances, aujourd’hui les réponses et les outils nous les avons mais encore faut-il les mettre en action. Je ne pense pas qu’il faille essayer de chiffrer les impacts. Le temps est à l’action.”