Jacqueline Bloch

Directrice de recherche au Centre de nanosciences et de nanotechnologies du CNRS, membre de l’Académie des sciences et professeure à Polytechnique et l’Université Paris-Saclay

Laboratoire C2N, Palaiseau

Jacqueline Bloch

Avec une soif d’apprendre intarissable, Jacqueline Bloch s'est lancée dans le vaste et mystérieux champ de la recherche fondamentale en physique quantique.
Promotion 106 de l’ESPCI Paris-PSL

Née d’un père physicien, qu’elle a malheureusement très peu connu, et élevée par une mère très littéraire, Jacqueline Bloch évolue, enfant, dans un milieu scientifique avec un oncle et des amis de la famille, physiciens. Après sa classe préparatoire scientifique et parmi toutes les écoles d’ingénieurs, son intérêt se porte en priorité sur l’ESPCI car elle a la réputation d’être très orientée sur la recherche et les expériences – les travaux pratiques n’étant pas forcément aussi présents dans les autres écoles – et pour les liens privilégiés qu’elle tisse entre les élèves et les laboratoires scientifiques. “On fait des travaux pratiques qui durent une semaine. Pendant 15h, on travaille en binôme, on apprend et on découvre par soi-même et cela m’a beaucoup marqué. Et aujourd’hui les étudiants qui sortent de l’ESPCI sont toujours très appréciés dans les laboratoires de recherche.”

À cette époque, Jacqueline Bloch sait déjà qu’elle veut s’orienter dans la recherche fondamentale. Elle a le déclic à l’ESPCI quand ses professeurs lui permettent de comprendre la physique de la matière condensée et l’optique. Deux champs de recherche dans lesquels elle travaille toujours actuellement, avec la physique quantique et la physique de la lumière, soit les interactions entre la lumière et la matière dans de petites cavités optiques. Une discipline dans laquelle elle se lance alors qu’elle n’en était alors qu’à ses prémices : “c’est un domaine qui a émergé pendant ma thèse. J’essayais de modifier les propriétés de la lumière en les piégeant dans des petites structures, dans lesquelles il y a aussi des électrons, et j’ai eu la chance d’être envoyée dans une école scientifique d’été”, où étudiants et chercheurs se côtoient.

Devenue une experte internationale en optique quantique et non linéaire, Jacqueline Bloch est principalement connue pour ses découvertes dans l’étude de la physique des polaritons. “Il s’agit de lumière que l’on va piéger dans une cavité. Au lieu de s’échapper, cette lumière va osciller très longtemps. À l’intérieur de cette cavité il n’y a pas de vide, mais un matériau solide, un semi-conducteur qui va absorber la lumière qui est en train d’osciller et va la transformer en excitation dans ce matériau. Le matériau va réémettre de la lumière, qui va de nouveau osciller entre les deux, être absorbée, réémise, osciller etc.” Une recherche qui permet de simuler la physique de la matière condensée, la physique quantique, la physique des électrons dans les matériaux, la physique des trous noirs. “On s’en sert comme d’un laboratoire expérimental pour explorer des phénomènes physiques très différents”. Et même si ce n’en est pas le but, ce champ de recherche peut déboucher sur des applications en chemin, comme aider à la fabrication de nouveaux lasers par exemple.

Très sollicitée de par le monde académique, Jacqueline Bloch tient à rester proche de l’équipe qu’elle dirige au CNRS et à être présente au laboratoire. Récompensée à de multiples reprises : Médaille d’argent du CNRS, Prix Ampère de l’Electricité de France. Elle a même été élue à l’Académie des Sciences en 2019. Ceci dit, la récompense qui l’a le plus touchée est le Prix Jean-Ricard de Société française de physique, que son père Claude Bloch avait également obtenu.
En tant que femme dans le secteur de la recherche, Jacqueline Bloch ne connaît pas beaucoup de difficultés et voit même qu’un gros travail est fait pour ne pas invisibiliser les femmes dans les sciences : “Il y a une grande volonté d’inclure des femmes dans les conférences, dans les comités de sélections. Nous sommes même un peu trop sollicitées parfois.”

Désireuse de transmettre et d’accompagner les étudiants, elle dirige des thèses à l’Université Paris-Saclay : “C’est un processus d’éducation passionnant, c’est l’apprentissage de la rigueur, de l’analyse critique, de la curiosité de s’ouvrir à différents domaines scientifiques. C’est magique de pouvoir accompagner de jeunes scientifiques dans cette maturité.” Elle tient également à défendre le modèle de la recherche en France : “il est très précieux, nous avons au CNRS des postes permanents pour de jeunes scientifiques, ce qui est très différent des pays anglo-saxons par exemple. Nous avons aussi cette tradition de travail en équipe : au CNRS je ne suis pas seule, nous sommes une vraie équipe de collaborateurs et travaillons dans la durée. C’est un modèle à préserver.” Mais s’il y a une chose qu’elle regrette c’est la baisse des financements, notamment le fait qu’ils soient de plus en plus tournés vers les sciences appliquées et de moins en moins vers la recherche fondamentale.